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UNICEF78-comite
30 janvier 2018

Mémorial de Caen : Un prix pour deux jeunes ambassadrices de l'UNICEF

 

 

 ASAEL ET LIORA : PRIX AMNESTY INTERNATIONAL AU MEMORIAL DE CAEN

 

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Ils étaient 2.500 candidats au départ... ils se sont retrouvés 15 en finale des plaidoiries des lycéens au Mémorial de Caen le vendredi 26 janvier, devant un public de près de 3000 personnes, collégiens et lycéens, comme eux, qui les ont écouté dans un silence impressionnant.

 

Les plaideurs disposaient de huit minutes chacun pour exposer et défendre la cause qu'ils voulaient mettre en avant et dénoncer les atteintes aux droits de l'homme. Et ils n'ont pas mâché leurs mots... on était assez loin du langage diplomatique traditionnel en n'hésitant pas à dénoncer les attitudes et les actes d'un Président ou d'un gouvernement. Le jury de 12 membres, présidé par Me. Serge Money, avocat au barreau de Paris, a eu bien du mérite à départager les intervenants, tous de grand talent, tant l'ensemble des sujets abordés avaient du sens.

 

Huit minutes c'est peu... mais c'est aussi beaucoup quand on sait retenir l'essentiel d'une cause, quand on maitrise son sujet, quand on a des arguments à mettre en avant... Sachant tous dominer leurs inquiétudes, ces jeunes – essentiellement des filles (il n'y avait que deux garçons)- ont su avec brio, émotion, sincérité et courage défendre leur engagement.

 

Parmi les thèmes abordés, plusieurs se rapportaient avec les valeurs défendues par l'UNICEF et la Convention Internationale des Droits de l'Enfant a été évoquée une bonne vingtaine de fois. Enfants soldats, tragédie des Rohingyas expulsés de Birmanie, le drame et les persécutions dont sont victimes les Alévis en Turquie, la situation dans la Goutha syrienne, ou encore le sort réservé aux « enfants sorciers » de République Démocratique du Congo....

 

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Ce dernier sujet a été défendu avec beaucoup de force par le duo - le seul en compétition- Asael Kimfuta et Liora Amsellem du lycée Hoche de Versailles. Asael a écrit la trame de ce sujet qu'elle connait bien pour avoir vécu au Congo jusqu'à l'âge de 14 ans. Leur plaidoirie à deux voix, parfaitement rôdée, a su convaincre le jury. Elles ont remporté le 3 ème prix du concours, celui décerné par Amnesty International. Une reconnaissance qui les conforte dans la volonté de ces deux élèves de terminale S à se tourner vers l'action humanitaire. Dans un premier temps, Liora a décidé de rejoindre Asael comme jeune ambassadrice de l'UNICEF au sein du lycée.

 

(voir le texte de leur plaidoirie).

 

Le deuxième prix a été attribuée par la MGEN à Hélène Yldiz du lycée Saint-Exupéry de Famek qui a défendu avec force la communauté Alévis, victime de ses croyances religieuses en Turquie

 

 

Le premier prix, celui du Mémorial de Caen, revient à Sofia El Mountassir Billah du lycée Français de Casablanca qui a dénoncé l'impunité dont bénéficient les hommes,qui harcèlent ou même violent les femmes au Maroc. « Silence on viole... » un plaidoyer très fort pour aider les femmes où les adolescentes qui aujourd'hui commencent à oser se révolter face à la toute puissance dont jouit encore la gente masculine dans certains pays musulmans.

 

 

 

 

                                                   « Alea jacta est ».... La plaidoirie in extenso d' Asael et Liora

 

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                                                                                    Asael Kimfuta et Liora Amsellem 

 

Moi, c'est Rachel, Rachel Mwanza. Je suis née en 1997 à Mbuji-Mayi en République démocratique du Congo. J'ai passé une enfance agréable et aisée auprès de ma famille. Mais en 2004, un drame se produit. Mon père perd son travail à la Gécamine et ma mère, mes frères et moi sommes obligés de déménager à Kinshasa chez grand-mère. En 2008, maman décide de partir en Angola pour chercher de l'argent car la situation financière de la famille s'est dégradée. Et elle n'est jamais revenue. Après son départ, un faux prophète fait croire à ma grand-mère que je suis la source de tous les maux de ma famille et décrète que je suis une « ndoki », une sorcière en lingala. Ma grand-mère me met alors à la porte et je deviens une « shégué », une enfant de la rue.

 

Cette histoire, Rachel Mwanza la raconte dans son livre Survivre pour voir ce jour. Exaucé, 13 ans, témoigne à l'OSEPER de Matete, un des rares centres associatifs parrainant les enfants de la rue :

 

« J’étais parti à Brazzaville avec mon père. Quand nous sommes rentrés à Kinshasa, ma grand-mère était morte. Nous sommes allés à l’église de mon grand-père pour le deuil. Le pasteur m’a désigné. Il a dit que j’avais mangé ma grand-mère. Ils m’ont gardé enfermé à l’église avec des cordes aux pieds et aux mains. Je ne voyais pas dehors. On faisait le jeûne pendant trois jours [méthode courante qui a pour objectif « d’affamer le sorcier qui est en eux »]. Puis, je prenais la purge : un litre d’huile de palme à avaler [afin que l’enfant vomisse la chair humaine qu’il a ingérée, c’est par elle que lui a été transmis la sorcellerie]. On nous mettait dans les yeux une eau qui nous faisait pleurer [de l’eau salée mélangée à des herbes, du piment]. J’ai dit que je n’étais pas sorcier et que je ne comprenais rien de tout cela. Mais on voulait que je fasse la délivrance. On me versait la bougie fondue sur les pieds et le front. J’ai fui pour retrouver ma famille. Ils m’ont battu pour que j’avoue [i.e. accepter sa fonction de sorcier, afin qu’on le délivre]. J’ai fui dans la rue. » 1

 

« La vie est dure ici dans la rue », rapporte Emmanuel, un orphelin de 14 ans, à Human Rights Watch : « noussommes tout le temps harcelés par les militaires. Ils viennent la nuit, n'importe quand après 22 heures. Ils nous frappent ou nous donnent des coups de pied. Ils réclament régulièrement de l'argent ou des objets qu'ils peuvent vendre, comme des téléphones portables. Seuls ceux qui s'enfuient et ne sont pas rattrapés sont hors de danger. Si nous avons travaillé toute la journée pour 20 centimes de dollar, ils peuvent même nous prendre ça ».

 

Comme Rachel, Exaucé et Emmanuel, entre 120 et 150 millions d’enfants dans le monde vivent dans les rues en 2015 d’après l’UNICEF. Ils sont des milliers d'enfants en Afrique, notamment en République Démocratique du Congo où ils sont considérés comme des sorciers. Et c’est au nom de ces « enfants-sorciers » que nous souhaitons nous adresser à vous aujourd’hui.

 

Malheureusement, leur nombre est difficile à estimer et varie sans arrêt, mais ils seraient plus de treize mille seulement à Kinshasa, en RDC. Treize mille enfants. Treize mille vies. Treize mille accusés de sorcellerie et subissant des séances d’exorcisme. Treize mille à plaider coupables après d’atroces souffrances. Treize mille innocents se retrouvant dans la rue, à devoir subvenir à leurs propres besoins, souvent par le biais de la violence et de la prostitution. Mais commençons d’abord par définir le terme clé que nous employons dans cette plaidoirie.

 

Selon le Larousse la sorcellerie est « une pratique magique ayant un effet néfaste sur un être humain, un animal ou une plante ». Et selon la culture congolaise, pipi au lit, sommeil agité, ventre ballonné, handicap… sont la « preuve » que l’enfant est un sorcier. Mais d’où viennent ces accusations ? Les facteurs sont multiples ; économiques, politiques, et sociaux. Tout d’abord, l’appauvrissement général ne permet pas aux populations de pourvoir à leurs besoins. Les parents étant mal rémunérés, ne peuvent ni payer la scolarité de leurs enfants ni les nourrir convenablement. A cela s’ajoute le contexte politico-militaire, la guerre, qui a contribué à augmenter le nombre d’enfants orphelins. Hébergés chez des membres de leur famille ou faisant désormais partie d’une famille recomposée, « ils sont souvent déscolarisés à l’inverse de leurs demi‐frères et sœurs, et sont soumis quotidiennement à la maltraitance et la nonassistance en cas de maladie »

 

. Ceci viole l’article 13 du Journal Officiel de la République démocratique du Congo ainsi que les articles 3, 24 et 28 de la Convention internationale des Droits de l’enfant que le pays a signé. Les parents ou l’entourage cherchant dans ces conditions de vie difficile un bouc émissaire, une raison à tous leurs maux, pensent trouver dans ces enfants la source de leur misère. Cette culture des « enfants- sorciers » s'est enracinée au Congo dans les années 90 avec l’apparition de nouvelles Eglises, les Eglises de Réveil ou charismatiques par exemple. Cellesci sont dirigées par des faux

 

prophètes et pasteurs appelés « mossakoli ». Agissant sous couvert de lutte contre le Mal, ils associent la sorcellerie au diable, disent voir un esprit maléfique dans le corps d'un enfant. Et celui-ci est à l'origine de tous les malheurs de la famille.

 

D’après la loi n°09/001 de 2009, article 160 du Journal Officiel portant sur la protection de l’enfant, « En cas d’accusation de sorcellerie à l’égard d’un enfant, l’auteur est puni d’un à trois ans de servitude pénale principale et d’une amende de 200 000 à un million de francs congolais ».

 

Pourtant, cette loi n’est pas appliquée. La population congolaise étant ignorante et surtout sensible aux superstitions se laisse aveugler. Les enfants, soi-disant coupables de la pauvreté, de la mort d'un membre de la famille, du manque de réussite… sont déposés dans ces églises pour des retraites de 10 à 20 jours durant lesquels ils sont contraints de jeûner et de suivre des séances d’exorcisme.

 

L’UNICEF relate dans un rapport de 2013 que l'enfant-sorcier contiendrait la substance sorcière dans son abdomen. Alors parfois, le médecin tradi-praticien ou le faux prophète découpe, avec un couteau non stérilisé, le ventre de l’enfant et ampute un petit morceau de son intestin, symbolisant la sorcellerie. Chaque église a sa méthode de torture et pour une séance d'exorcisme il faut entre 5 000 et 50 000 francs congolais soit entre 5 et 50 euros. Ces faux prophètes se construisent une fortune avec l'innocence d'enfants dont la vie sera stigmatisée. Sachant qu’un sommeil agité, un ventre ballonné ou encore la pauvreté familiale ne se résout pas avec un liquide ni de la torture, les enfants sont abandonnés par leur entourage et se retrouvent dans les rues. Ils devraient là être pris en charge par l’Etat comme le stipulent les articles 62 et 63 du Journal Officiel, « l’enfant accusé de sorcellerie » bénéficiant d’une « protection spéciale ».

 

Cependant, arrivés à la rue, la plupart des enfants y restent. Et la violence est partout. Physique et sexuelle, elle est notamment menée par les policiers, comme nous l'a expliqué Emmanuel. Les enfants ne vivent plus mais ils survivent en travaillant, et les filles se prostituent dès 6 ou 7 ans. « Si le préservatif n’est pas utilisé lors du rapport, elles sont payées plus » , mais le montant n’excède pas les 2,30€. La plupart de ces enfants vivent dans l'ignorance la plus complète de la part de la société africaine et mondiale. Pourtant, chaque enfant du monde possède des droits fondamentaux. D'après l'Article 19, Alinéa 1 de la Convention relative aux Droits de l’enfant : chaque enfant doit être « protég[é] contre toute forme de violence, d'atteinte ou de brutalités physique ou mentale, d'abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d'exploitation […] pendant qu'il est sous la garde de ses parents ou de l'un d'eux, de son ou ses représentants légaux ou de tout autre personne à qui il est confié. ».

 

Ces conditions de vie inhumaines doivent alerter la population mondiale.

 

Si, contrairement à Exaucé et Emmanuel, Rachel Mwanza, aujourd'hui actrice et auteure, a survécu à l'enfer des rues, beaucoup d'enfants périssent chaque jour. Les solutions existent. A court terme, il est essentiel que l'Etat crée une unité de recherche constitués d'anciens enfants des rues formés, ainsi que des maisons d'enfants et des dispensaires spécialisés afin d'accueillir les enfants considérés comme sorciers. A plus long terme, la solution est l'éducation. Une plus grande connaissance du phénomène permet de sensibiliser les populations. Une plus grande connaissance culturelle permet de lutter contre ces pratiques. Comme le recommande l’UNICEF, le dialogue entre communautés, autorités locales, tradipraticiens et chefs d’églises doit naître, en insistant sur les droits de l’enfant. Pour que ces droits soient appliqués, la sensibilisation des magistrats semble aussi nécessaire, ainsi que la réglementation des activités des églises concernées, et des licences dispensées aux médecins tradi-praticiens. Tout cela nécessite des moyens financiers, mais une fois qu’une élite sera formée à l’intérieur du pays, elle pourra elle-même former le reste de la population, parents et enfants, dans les campagnes comme dans les villes. Changer la situation actuelle, c’est prouver que le sort n’est pas jeté.

 

 

Note : Aleksandra CIMPRIC, "Les enfants accusés de sorcellerie, Etude anthropologique des pratiques contemporaines relatives aux enfants en Afrique", Avril 2010, UNICEF Bureau Afrique de l’ouest et du centre (BRAOC), Dakar.

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